vendredi 14 novembre 2014

Parents, votre prochain cauchemar s'appelle Yōkai Watch.

Pour Noël, ma tante, fervente téléspectatrice des programmes de M6, m'a demandé de lui ramener une poupée Fuchiko. Internet m'apprend qu'il s'agit de ces figurines qui sont amusantes parce qu'elles sont mises en scène dans positions différentes et qu'elles sont toutes petites. Alors on les pose sur le rebord du verre et on passe un bon moment. Pour finir de me convaincre, Google me renvoie vers un replay de 100% Mag expliquant que les Japonais en sont fous. 

Je suis toujours un peu surprise par le traitement de l'actualité nippone par les médias français. Comment se débrouillent-ils pour être si subtilement à côté de la plaque ? Le moindre tremblement de terre représente un évènement majeur, alors qu'à mon niveau je ne peux relever qu'un peu de thé renversé sur la table. De la même façon, chaque typhon est filmé à grand renfort de parapluies cassés et de jupes qui se soulèvent. Pourtant Tokyo est généralement épargné et jusque-là, les trombes d'eau n'ont pas changé quoi que ce soit à mon quotidien. Tant pis si nos proches s'inquiètent ;  considérons qu'avec mes pieds humides, je suis une miraculée.

Donc si on la trouve un peu partout, Fuchiko n'est pas la dernière lubie nippone. Je salue par contre le ou la responsable presse du distributeur qui a très bien vendu sa petite histoire.  

Peut-être pas aussi charmante qu'une figurine assise sur le rebord du verre, la dernière obsession locale, c'est Yōkai Watch. Une franchise. Une impressionnante franchise associant notamment le fabricant de jouets Bandai et l'éditeur de jeux vidéo Level-5, lancée en 2011 mais massivement popularisée depuis le début de l'année avec la diffusion télévisée du dessin animé et le lancement du jeu sur 3DS.  

Yōkai Watch repose sur l'association du fantasme universel de la montre magique — depuis le visiophone de la nièce de l'inspecteur Gadget jusqu'à l'Apple Watch — et le pillage de la franchise à succès de la décennie précédente : Pokémon.

Les yōkai, fantômes du folklore japonais, sont donc la nouvelle génération de créatures mignonnes qui obsèdent ces chères têtes brunes. La montre susmentionnée permet d'entrer en contact avec eux pour résoudre les problèmes que les plus malveillants causeraient. La principale différence avec Pokémon, c'est que ce sont leurs messages écoutables en insérant une médaille dans la montre qu'il va maintenant falloir collectionner. 



La montre existe en deux couleurs, chaque modèle n'est compatible qu'avec un certain nombre de médailles. Les deux ont en commun d'être ridiculement trop grandes pour le poignet d'un enfant. Mais peu importe, après s'être écoulées en un temps record provoquant des files d'attentes inimaginables, les montres sont aujourd'hui encore en rupture de stock. Ainsi, en août dernier, et alors que le marché n'est pour le moment limité qu'au Japon, le PDG de Bandai déclarait prévoir la fabrication de deux millions de nouvelles montres et 100 millions de médailles d'ici la fin de l'année.

Partout, le thème a remplacé celui de Frozen. Afin de briller lors de ma prochaine soirée karaoké, j'ai ressenti le besoin d'en étudier les paroles. Il évoque notamment le fait qu'ingérer des poivrons induiraient la déjection de scelles malodorantes. Je ne saurais dire s'il s'agit d'une réalité scientifique, j'ai néanmoins remarqué que la version diffusée chez Macdonald's a été allégée de ce passage.

Parce que oui : Yo deru yo deru yo deru yo deru, Yōkai deruken derarenken !
 
Une montre magique, plusieurs centaines de médailles à collectionner, un jeu vidéo, un manga, une série animée, un long métrage à venir, des produits dérivés à la pelle, le tout servi par un hymne entêtant avec chorégraphie simpliste... Combien de temps avant que l'épidémie ne se propage en France ? 

Mais ce qu'il y a de perturbant avec Yōkai Watch, ce n'est pas tant son succès colossal que le fait que, bien que ciblant des consommateurs âgés d'une dizaine d'années, elle obsède également de nombreux adultes.

Dans le quartier geek d'Akihabara, sur les machines permettant de gagner des médailles inédites, je n'ai vu que des adultes, des vieux adultes. Ils se relayaient patiemment, reprenant docilement leur place dans la file après avoir perdu. J'ai eu beau essayer de me convaincre qu'ils étaient mieux dans ce petit couloir sombre avec leur classeur à médailles sous le bras plutôt qu'au PMU, j'ai ressenti un malaise similaire.  

Kouji, quadragénaire bonhomme fan de Lady Gaga, à qui je demande de tenir son journal en français m'a lui aussi raconté ses aventures à Akihabara. En résumé, s'il ne s'est pas encore acheté la montre ce qui, selon mes estimations, ne saurait tarder une fois qu'elles seront de nouveau en rayon, il a pris plaisir à faire la queue plusieurs heures pour acheter le gadget qu'il a ensuite revendu à l'une de ses collègues, après avoir organisé un tirage au sort parmi les heureux parents de son service. Le plus gênant était sans doute sa conclusion : ayant reçu une lettre de remerciement du fils de la gagnante, il a estimé que c'était la première fois de sa vie qu'il s'était senti utile.

D'ailleurs, que racontent les esprits ? Kouji n'a pas été en mesure de me le dire. Reste qu'à titre de comparaison, une planche de ouija ne coûterait aux familles qu'une vingtaine d'euros. Elle serait plus respectueuse de l'environnement, pourrait être transmise de génération en génération et offrirait une liberté de communication que la montre Yōkai ne peut offrir. Non vraiment, le spiritisme, c'est plus ce que c'était.

Police de la coquille, merci de me contacter en cas de besoin !

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